Jeudi 3 mai 2007
Eviter les analogies, les comparaisons avec le connu : source d’erreur d’appréciation. On se trompe à rechercher le semblable dans le différent. Réduction. Rien n’est jamais pareil et sans ouvrir la porte à l’inconnu, la spécificité échappe. Savoir s’oublier, effacer momentanément les espaces de compréhension, se positionner dans le risque de ne plus savoir qui l’on est, de la perte du pouvoir, de l’infraction aux codes prééxistents, s’introduire dans les interstices des silences. Faire confiance à la capacité de l’autre à accepter une présence sans interaction immédiate.
La disposition à l’ouverture est difficile à tenir. Eprouvante. L’acceptation d’une permanence des possibles, c’est-à-dire de l’incertain nécéssite l’endurance du souffle pour ne pas epuiser ses forces dans cette tension subtile du regard. Besoin d’isolement pour se ressourcer dans ses meubles et revenir plein de fraîcheur à l’inconfort de la réception.
Le temps élastique, informel de l’Afrique facilite cet espace de flou, de non-dit, de contact intuitif. Le temps dilaté, sinueux, non-programmé, ouvert à la défaillance encourage la posture préliminaire à l’improvisation, à la résolution sans heurt. La mentalité malgache respectueuse des détours et circonvolutions de la volonté ne formule jamais directement, frontalement. Le « Azafady » (pardon, s’il te plait, excuse-moi, tout à la fois), préambule indispensable à toute sollicitation, reflète peut-être le déplacement sur la pointe des pieds, ce glissement vers l’objectif, influence probable de l’Asie toute proche. La tonalité des voix est douce. La grammaire malgache ignore le genre et ne dénombre pas. L’article est féminin masculin, singulier, pluriel. Une sorte de compréhension, d’intégration du multiple dans le sujet, jusque dans les traits grâcieux des visages, l’ambiguité des attitudes. Un ravissement. Un charme improbable.
Je danse sur un fil distandu avec un plaisir douloureux aux ondulations verticales de chaque pas. Ivresse de l’altitude des hauts plateaux de l'Imerina.
Je ne sais toujours pas où va s’arrêter mon parcours.