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Ouagadougou ... Tananarive... La Réunion
24 avril 2007

Voyage intérieur suite..!!! (avril)

Samedi 31 mars 07 Un voile tombe. J’ai choisi (qui de moi ?) de me retrouver, de me recomposer dans un contexte où je n’ai aucun repère. Quelle folie ! J’étais déjà déstabilisée à Bordeaux à mon retour de Ouaga. J’étais déjà déconcertée, indécise dans l’environnement qui m’était devenu familier. Quel excès ! Mon départ pour Mada est né d’une impulsion, une intuition hors de ma conscience. C’est le genre de décision dont je comprendrai le sens plus tard. Je suis portée par mon énergie du « je veux ». Et dans la peur de l’assumer, j’en voudrais presque à Haja de ne pas me prendre en charge. Mon besoin de changement, de dépouillement m’effraie. Je ne sais pas où naît cette nécessité en moi. Je suis guidée de l’intérieur par une très forte exigence. En décidant que j’acceptais le dialogue intérieur, une écoute de mes désirs, je ne savais pas jusqu’où cela me mènerait. Je ne sais toujours pas mais aujourd’hui je suis là. C’est ce manque de modération de mes désirs, la permission que j’accorde à mes intuitions qui occasionne certaines de mes angoisses. Dans le doute, je suis tentée de me rétracter, de suspendre ma confiance. De me répondre : « Ca ne va plus. Tu vas trop loin ! Je ne te suis plus ». C’est dur de m’avouer que je suis perdue ou de ne pas comprendre mes envies. Aucune personne extérieure à moi ne me guide. Je laisse tout le monde sur le carreau avec mes idées-surprises. Personne n’arrive à me suivre. Je ne peut tenir personne pour responsable de mes décisions. Dans mon degré de réalisation, je ne peux pas non plus satisfaire aux penchants de la victimisation. C’est trop tard. Il y a longtemps que je ne suis plus dans l’attitude d’être victime de l’existence. Aucun moyen de se désister. Je veux. Et je veux encore. Mardi 3 avril 2007 Aujourd’hui un cyclone passe sur la Côte Est de Madagascar. A Tana, le ciel est gris et il pleut une bruine légère. Vendredi 6 avril 07 Je suis trop frustrée de ne pas comprendre le malgache. Dans le salon, Gaby reçoit son régisseur lumière et la cie Tanala’h (Caméléon), une jeune compagnie de hip hop contemporain. Ils font une séance de travail. Je ne comprends rien. Trop, trop frustrant. J’ai essayé de communiquer avec chacun avant le début de la réunion. Je connaissais Lauda, rencontré à Ouaga. Mais les échanges avec leur peu de vocabulaire français, restent pauvres. Juste de quoi faire la prise de contact et se mettre à l’aise. Rien de plus. Je ne maîtriserai pas la langue malgache avant longtemps, si bien qu’il y a peu d’espoir de parvenir à une quelconque satisfaction. Je ne suis pas mal à l’aise par ma présence mais je m’ennuie. Si proche et si loin. Un supplice. Discussion avec Gaby après sa séance de travail. La compagnie Vahinala existe depuis 10 ans. Gaby refuse les concessions esthétiques pour répondre aux critères des bailleurs de fond. Elle n’emprunte pas aux formes traditionnelles ,pourtant fort appréciées, comme le fait la Cie Rary par exemple. Sa reconnaissance est donc lente mais sereine et décidée, passant par les scènes internationales, soutenue par la Suisse notamment ou par des invitations de marque comme le Festival Dialogues de Corps au Burkina Faso. Elle confirme la pression des détenteurs des moyens financiers occidentaux sur les chorégraphes africains. Salia Sanou et Seydou Boro semblent apporter une alternative en faveur de l’émergence des artistes du continent, grâce au crédit dont ils bénéficient au sein du circuit international de danse contemporaine. Mercredi 11 avril 07 Société : l’Union malgache. Chaque quartier est strucutré avec une assemblée sous la responsabilité d’un président élu et son adjoint et comptabilise les gros évènements de la vie, enterrements, accidents… pour lesquels chaque habitant cotise. Un système de solidarité collective à l’échelle du quartier. En cas de cambriolage, un coup de sifflet sonne l’alerte et tous les habitants sortent de chez eux pour porter secours. C’est aussi un mode de résolution des infractions à l’amiable sans recourir aux forces de l’ordre. De même, en cas de tapage nocturne, l’assemblée peut décider le montant d’une amende à régler. De toute façon, il est préférable de prévenir lors de l’organisation d’une fête, pas seulelemnt parce que chacun considère qu’il n’est pas seul au monde mais l’assemblée peut mettre en place alors des rondes de sécurité pour prévenir d’éventuelles attaques armées. Les disparités de richesses sont très fortes à Madagascar, entre la région des Hauts Plateaux (le centre avec la capitale) et les côtes mais aussi au cœur de Tana. La mendicité est très répandue et ce qui frappe au premier abord c’est le monopole de la pratique détenue par les enfants des rues. Je suis passée en voiture, de nuit dans le quartier à putes, la fréquentation et le climat ne sont pas du tout rassurants. Je n’y ferai pas seule ma promenade de santé. Ainsi, le principe de l’union malgache trouve ses limites dans ces contrastes de richesses qui crée un fort climat de tension et d’insécurité. L’avenue de l’Indépendance, quartier Analakely. Les champs Elysées de Tana, toute proportion gardée. Le vendredi et samedi soir, c’est le rendez-vous ravitaillement de début de soirée. Pas de terrasse de bar. Ambiance driving de fortune. Toutes les classes sociales de croisent ici, des énormes 4x4 aux enfants des rues dont c’est le terrain de chasse. Il suffit de se garer et d’ouvrir la fenêtre. Des commissionnaires sont là pour prendre la commande : bierre THB, brochettes. Des vendeurs de cigarettes ambulants font la tournée et les enfants tendent la main. Chacun reste enfermé dans sa voiture le temps de la halte s’il ne veut pas se frotter au tumulture de la rue. Jeudi 12 avril 07 Le rythme il faut, il faut, il faut. Je voulais être disponible, me rendre disponible, en me décentrant. Mais je m’attendais à vivre des situations inédites sans remettre en question le rythme que j’entretenais jusqu’alors. Je ne me doutais pas que j’aurai à transformer un mode, une cadence. La tâche est inattendue. Bouleversante. En profondeur. Mesure. Pondération. Bilan : presque 1 mois. Immersion dans l’univers relationnel des Saranouffi, famille malgache embarquée dans l’aventure de la création chorégraphique dans le contexte urbain d’une capitale de l’hémisphère sud. Découverte intensive qui vaut le contraire d’un survol extansif des horizons exotiques d’une île de l’Océan Indien. Mes doutes s’estompent. Mes stratégies d’adaptation, fluidité, réceptivité, patience, suspension du jugement s’avèrent efficaces. Une relation de confiance réciproque s’installe. Hier soir nous avions passé la soirée chez un ami de la famille. Heri, fantaisiste, extravagant, cultivé. Ma participation était diffuse et intuitive mais attentive, effective. Nous avons bu du rhum vanille et fumé de l’herbe. Accentuation de la perception périphérique, vibratoire. Je ne comprenais pas ce qui se disait mais je captais tout ce qui se passait, circulait. Lorsque Gaby et une amie de Heri se donnaient la peine de me retranscire la situation, j’étais sur la bonne longueur d’onde. Je parviens à créer la connexioin en dépit de la barrière de la langue. C’est une discipline difficile, hérintante. Propice au découragement, à l’exclusion. Mais hier soir, je prenais un immense plaisir à percevoir les attitudes dans les échanges, leurs modes, par longues phases de monologues, d’exposition, dans lesquels Haja et Gaby excellent par leur prestance, leur élégance. Je savoure aussi la liberté que le décalage procure. Je peux décrocher en toute légitimité. Personne ne peut m’en tenir rigueur. Rêvasser, partir tout en étant en société, raccrocher quand je veux. La familiarité qui s’est installée par ailleurs, permet d’infimes signes, de codes de complicité, de confirmation d’un être-là. Je vais répondre à une annonce de chargé de production pour une association basée à la Réunion. J’ai des atouts qui peuvent accrocher. Si ça fonctionne, je m’installe à Saint-Denis, à 1h d’avion de Tana… Mardi 17 avril 2007 Je me laisse progressivement aller au luxe du temps dont je dispose, à la langueur malgache. La vie en colocation est très formatrice et enrichissante du point de vue de la relation. Je confirme (s’il était besoin). J’ai une grande facilité à m'ajuster à celles de cette cohabitation familiale à Tana. Je connais et j’ai la pratique de ces instants de la journée propices au rapprochement. Tous dans une même pièce, un même espace quotidien, dans un temps informel, pas programmé. Le plaisir d’être là à partager une présence commune. Ce savoir-être me facilite la connexion directe. La mutiplicité des situations vécues et engrangées consent à une aisance du mouvement. Autorise, au delà d’une présence réceptrice, à provoquer la circonstance d’échanges personnels. Savoir aussi s’aménager des moments d’intimité, de solitude. Savoir circuler naturellement sans connecter. Tous les cohabitants de la maison n’ont pas plus de 10 ans d’écart d’âge. Entre 24 et 34 ans, entre Haja et moi, qui fermons la boucle d’une proximité générationnelle. La plupart du temps, nous sommes quatre, souvent plus. Une famille sans parents. « Le bateau ivre ». « Les enfants terribles »… Jeudi 19 avril 07 1 mois aujourd’hui. Peut-être pour ça que j’ai fait de l’insomnie à 2h du matin, réveillée par une attaque de puces. J’ai les chevilles ravagées. Peut-être pour ça que je me suis réveillée ce matin d’extrême bonne humeur. Hier, j’ai osé une incursion seule au centre de Tana. J’ai pris le bus. Arrêt Analakely. Impossible de me souvenir où est l’arret pour le bus du retour. Bon, on verrra. Pris le bus en sens inverse. Arrêt au lac Anosy. Je traverse l’avenue pour attrapper un 126 dans l’autre sens. Il fait beau. Je suis bien. Baptême réussi. J’avais tellement peur. Ce matin, j’ai travaillé avec Gaby. Relecture d’un projet de coopération artistique entre l’Ambassade de Suisse et la Cie Vahinala. Ravie de ma concentration au service de l’univers chorégraphique de Gaby, ravie de notre collaboration dans la complicité et la bonne humeur, ravie de lui rendre service et de faire la démonstration de mes compétences. Ravie de sa satisfaction. Vendredi 20 avril 2007 Je recommence à parler seule à haute voix. C’est signe que je retrouve ma compagnie caustique et drôle. Je me suis surprise à rire toute seule en marchant sur la route pour aller acheter le petit déjeuner ce matin. Je suis donc moins aux aguets des regards que l’on me porte. Je circule. L’espace devient familier. Il y a de la musique tout le temps dans la maison. Quand ce n’est pas celle de Gaby dès 8h30 le matin, c’est celle de Haja ou la mienne, jusqu’à l’heure du coucher. Musique de la maison voisine quand je suis assise dans la salle à manger, terrasse couverte, ouverte sur le quartier. Le métissage malgache est particulier. En France, il est impossible d’identifier un Français d’un étranger par sa physionomie. Les Français peuvent refléter des types d’une très grande variété. Seule la langue et la culture représentent le dénominateur commun dans cette multitude de signes physiques distinctifs. A Tana, je vois peu d’étrangers. Les gens que je croise sont pratiquement tous malgaches. Et en dépit des multiples influences, je reconnais les ressemblances dans la diversité des traits physiques. Comme si le brassage s’était effectué il y a très longtemps pour créer des empreintes désormais spécifiques et stables. Malgré ma couleur, on ne me prend pas pour une malgache. Je suis trop grande. Visage allongé. Nez droit, arrête trop longue. Aucune réminiscence asiatique dans les yeux. Bizarre d’identifier un peuple par ses caractéristiques physiques pour un Français. Nous sommes susceptibles à cet égard, traumatisme historique, tabou. Je comprends mieux le sens de terre d’accueil et de migrations. Attendre le bus pendant une heure en centre ville, près du marché, à 17h, heure de pointe : voilà de l’imprégnation. Le coucher du soleil sur Tana. Le jour qui décline sous les Tropiques donne une lumière si merveilleuse. Les reflets roses orangers sur les briques rouges des maisons, sur les masures en bois peint de vert, de turquoise, de jaune. Explosion de couleurs. Le bus se faufile dans les ruelles tortueuses aux pavés cabossés, bondées de monde, au rythme lent des embouteillages de fin de journée. Parfois, je me sens en Indonésie. Certaines maisons affichent sans complexe leurs lignes de pagodes asiatiques. Dans la rue, des femmes vendent des rations de soupe chinoise. Plus loin, des étales de nems et de sombos. Ici des pousse-pousses recyclés en transport de marchandises. Là des travailleurs portant sur l’épaule un baton de bambou au bout duquel se balancent des paniers en osier. Des rizières… Si je considère mes rêves nocturnes comme une transcription de ce que je vis dans un autre langage et une perception complémentaire, est-ce que ça veut dire que je prends mes désirs pour la réalité ?

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Commentaires
E
Il y a tant à dire sur ces pages émouvantes, riches, belles ! Je le ferai après les avoir relues. En attendant, merci de partager ainsi avec nous ce voyage, merci de nous faire traverser tes doutes et tes espoirs, tes avancées et tes arrêts... On devine en creux, dans les non-dits, des profondeurs plus lourdes, plus intenses encore...<br /> <br /> Continue de nous écrire, nourris nous de tes expériences, de tes découvertes et de tes pensées. <br /> <br /> E.
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